En lutherie, le concept de mini-série consiste à fabriquer en même temps une poignée d’instruments, entre deux et dix en général, de conception similaire. Il s’agit du stade intermédiaire entre la fabrication en série, c’est-à-dire la fabrication de masse par les industriels et la fabrication d’un instrument unique par un artisan luthier.

À l’échelle d’une petite structure de fabrication comme la mienne, je trouve que la mini-série est la meilleure façon de travailler”, estime Anthony Favier, luthier dans son entreprise Favier Guitars. “Elle regroupe le meilleur des deux mondes.

Intéressons-nous à cette façon de fabriquer des instruments.

Les qualités de l’artisanat, un prix plus doux

   Avant tout, il est bon de rappeler que la fabrication d’une guitare est une succession fastidieuse de dizaines et de dizaines d’étapes, toutes différentes. Le tout pour plus d’une centaine d’heures de main-d’œuvre. Le processus requiert un très grand nombre d’outils différents, certains ne servant même qu’une seule fois au cours du processus mais lors d’une étape toujours indispensable. Le luthier revient également plusieurs fois sur certaines machines, mais pour des opérations un peu différentes. Donc la mise en place doit être sans cesse aménagée pour chaque nouvelle étape.

   La fabrication en parallèle de plusieurs instruments permet de réduire le temps de fabrication par instrument. À chaque étape, le luthier profite de la mise en place pour faire avancer plusieurs instruments. Dans le jargon du bois, on dit que les machines sont “pointées”. Les dizaines d’étapes étant distinctes, le fait de répéter une opération plusieurs fois permet de gagner en concentration sur la tâche, et de gagner en rapidité d’exécution aussi.

L’autre conséquence de la mini-série, que l’on retrouve également chez de nombreux luthiers, c’est que cette façon de travailler amène l’artisan à se concentrer sur quelques modèles seulement, pour obtenir une meilleure productivité. Les conceptions étant les mêmes, cela entraîne des automatismes, qui rendent la fabrication plus simple.

Favier Guitars déploie ses mini-séries sur un nombre très restreint de modèles choisis après mûre réflexion. Pour chaque modèle, les formes, dimensions et accastillages sont constants. Maintenant, la production de guitare en mini-série permet toujours des combinaisons de bois évolutives et personnalisées. Par exemple, voyez ces trois guitares folk :

Guitare acoustique - Guitare folk - Table en épicéa
Guitare acoustique - Palissandre de rio

Trois guitares acoustiques issues du même modèle.

Guitare acoustique - Guitare folk - Table d'harmonie en épicéa

En bout de chaîne, ce mode de production permet au client d’avoir un instrument artisanal à prix raisonnable, parce que le nombre d’heures passées sur l’instrument baisse. Sans cela, la différence de prix entre la production industrielle de masse et l’artisanat serait bien trop spectaculaire.

Mini-série mais maxi souplesse

Le prix est rarement la raison première pour laquelle un guitariste se tourne vers un luthier artisan. Alors, pourquoi choisir une mini-série de luthier si ce n’est qu’une déclinaison, à moindre échelle mais toujours plus chère, du concept industriel de la grande série? Cette analyse simpliste laisse de côté que la grande force d’un artisan, c’est son écoute, sa flexibilité.

Un luthier est capable de faire un instrument totalement sur mesure, en dehors de ses modèles standards. Une guitare ou une basse vraiment unique. Un service et une expérience haut de gamme impliquant des tarifs en conséquence.

Mais même dans le cadre d’une production en mini-série, l’artisan pourra mettre à profit son savoir-faire, sa flexibilité et son inventivité pour modifier et personnaliser des éléments, en fonction des besoins de chaque client. Autant de détails qui feront en réalité que chaque instrument d’une mini-série est au bout du compte unique.

Cette flexibilité est impossible à obtenir dans la production de masse, ou à la marge seulement, comme la couleur d’un vernis.  Voyez ci-dessous une illustration de ce propos, dans une unité de production de Gibson. On perçoit le modèle « Les Paul », dupliqué à l’infini, mais avec une finition du corps différente.

Gibson tout factory

Source : Vidéo « Behind the magic : a look inside the Gibson custom shop »

Pour autant, les grandes marques industrielles célèbres tentent de capter les envies de personnalisation des musiciens au travers de leurs séries “custom shop”. Selon les marques, le service est réel, mais parfois aussi vraiment très proche de leurs instruments produits en grande série. La marque Fender en est une belle illustration. Ci-dessous on reporte deux guitares de presque identiques, sauf le prix.

Fender Stratocaster - comparaison des modèles

À gauche fabrication « custom shop » USA, à droite grande série d’origine mexicaine.

Source : Thomann

Quoi qu’il arrive, sur ce créneau-là, l’artisan luthier sera toujours plus souple et le plus souvent aussi plus compétitif en termes de qualité-prix avec ses mini-séries.

Voilà, vous savez tout !